Les coups sûrs, ça n'existe pas ! S'indignent les Mandarins qui traînent leur spleen sur les hippodromes. Et pourquoi n'existeraient-ils pas ? La
principale vertu des courses c'est de nous faire rêver, de nous prendre le corps et l'esprit durant trois heures et de les rendre ensuite à la vie urbaine, épurés de cette aigreur qui nous tient
debout comme un tissu amidonné. Pour parler trivialement, les courses... c'est une pompe à emmerdes. Peut-être que, pour certains, elles en créent d'autres... mais le but, c'est en s'adonnant à
la recherche du gagnant, de se vider la tête de toute la pollution engendrée par notre environnement social.
La principale qualité d'un turfiste, c'est d'être croyant. Les courses et le jeu sont d'ailleurs comparables à une religion. On n'a jamais obtenu
la preuve qu'elles pouvaient nous enrichir, mais on garde la foi parce la quête de la vérité, du coup sûr, voire de la pierre philosophale... est sans fin. Le turfiste vit dans le futur et s'il a
besoin de certitude, c'est pour chasser le présent. Quid du coup sûr alors ? Pour le moral, il est bon de croire qu'il existe des chevaux imbattables. Et lorsqu'un cheval « imbattable » gagne, ce
qui se produit somme toute assez souvent (on ne parle que des trains qui n'arrivent pas à l'heure), le turfiste regonfle sa pompe à logique et se croit maître du jeu. Jusqu'à la prochaine
déconvenue.... Ainsi va la vie ! La roue tourne, comme les chevaux sur la piste, remède perpétuel à l'ennui.
Les matelassiers : Au fait, quelle est l'exacte définition du coup sûr ? C'est un cheval qui doit
impérativement terminer dans les trois premiers. En jargon turfiste, le « matelassier » est une personne qui joue des matelas... sous entendu, de billets ! Autrement dit, il parie très gros sur
des chevaux qui rapportent très peu ; en général 10 ou 20% de la mise. Vous me direz que majorer son capital de 10% en moins de trois minutes, c'est mieux que la Bourse... certes, mais à la
Bourse, vous ne risquez pas de perdre la totalité de votre capital en moins de trois minutes ! Aux courses, il suffit qu'un de ces fameux « coups sûrs » termine 4ème pour que vous soyez ruiné.
Dès lors, il vous faut dix coups gagnants... rien que pour reconstituer votre capital. Si cela vous tente.... Admettons que vous soyez prêt à courir ce risque, les chevaux qui méritent un tel
investissement ne courent par les rues. Au trot, il faut des sujets qui ne commettent jamais d'incartades, en obstacle des sauteurs hors pair (et encore... la chute d'un autre sous leurs jambes
peut les faire tomber) et au galop, des pur-sang dont la supériorité est avérée comme MIESQUE, LAMMTARRA, PEINTRE CELEBRE, ROCK OF GIBRALTAR, DALAKHANI, ZARKAVA et quelques rares autres qui,
durant toute leur carrière, n'ont jamais fini plus loin que 3ème. Cette forme de jeu s'assimile au professionnalisme, éliminant tout caractère ludique. Pourquoi ? Parce que les chevaux en
question sont les favoris de tout le monde ; il n'y a donc aucune originalité à les jouer, aucune satisfaction personnelle qui confine à l'unicité : j'ai trouvé la solution, pas toi ! Parce qu'il
ne faut rien laisser au hasard et s'entourer de toutes les précautions et autres vérifications possibles, un peu comme le commandant de bord qui procède à sa check list avant le décollage : se
rendre à l'écurie le matin de la course, voir auprès du lad si le cheval a bien dormi, bien mangé, vérifier s'il a bien uriné avant la course, etc. C'est un travail à temps complet, sans
sécurité sociale ni assurance chômage !...